DART

Une mission de défense planétaire

Les objets géocroiseurs (NEO) sont principalement des astéroïdes et des comètes qui orbitent autour du Soleil comme les planètes, mais avec des orbites situées entre 146 millions et 195 millions de kilomètres du Soleil, ce qui signifie qu’ils peuvent croiser l’orbite terrestre. Cela constitue un danger potentiel de collision avec notre chère terre ! Mais rassurez-vous, aucun astéroïde connu d’une taille supérieure à 140 mètres n’ait une chance significative de frapper la Terre au cours des 100 prochaines années. Toutefois, seulement environ 40% des astéroïdes ont été découverts et reste encore 60% à découvrir selon les estimations ! Donc, le risque 0 n’existe pas !

C’est pour cette raison qu’une stratégie de défense planétaire a vue le jour pour se prévenir au cas où un NEO non encore découvert constituerait un danger de collision. Cette défense planétaire englobe toutes les capacités nécessaires pour détecter et avertir des impacts potentiels d’astéroïdes ou de comètes avec la Terre, puis les prévenir ou atténuer leurs effets possibles.

Il s’agit d’une science planétaire appliquée pour faire face au danger d’impact NEO. Ainsi, la NASA a créé en 2016 le Bureau de coordination de la défense planétaire (PDCO) pour gérer ses efforts de défense planétaire. Ce bureau Fournit une détection précoce des objets potentiellement dangereux (PHO : Potentially Hazardous Object) afin de :

– Recenser les objets géocroiseurs dont les orbites prédisent qu’ils se trouveront à moins de 8 millions de kilomètres de l’orbite terrestre ; et d’une taille suffisamment grande (30 à 50 mètres) qui peut causer des dommages importants sur Terre ;

– Suivre et caractériser les OPH et émet des avertissements sur les effets possibles des impacts potentiels ;

– Étudier les stratégies et les technologies pour atténuer les impacts des PHO ;

– Jouer un rôle de premier plan dans la coordination de la planification du gouvernement américain pour répondre à une menace d’impact réelle.

– Parrainer des études sur les technologies et les techniques permettant de dévier un astéroïde d’une trajectoire d’impact prévue avec la Terre.

– Développer des missions pour démontrer ces technologies et déterminer leur efficacité dans le cas où ces techniques doivent être utilisées contre une menace d’impact d’astéroïde prévu.

Et justement, la mission DART fait partie de la stratégie de défense planétaire de la NASA. Cette mission aborde la composante “atténuation” des efforts globaux de défense planétaire, démontrant une technologie potentielle pour dévier un astéroïde d’une trajectoire d’impact prévue avec la Terre, si une telle action était justifiée.

Il s’agit d’une démonstration d’une technologie d’impacteur cinétique qui pourrait être utilisée pour atténuer la menace d’un astéroïde dangereux. Ainsi, le projet DART démontrera qu’une sonde spatiale peut se diriger vers un impact réussi et mesurera l’effet de cet impact sur l’astéroïde visé. Par la suite, l’enquête aidera la NASA à mieux se préparer aux astéroïdes qui pourraient un jour constituer un danger pour les habitants de la Terre, et démontrera d’autres technologies qui ont également des applications pour de futures missions.

Le principal défi de DART est de cibler de manière fiable et d’impacter une cible de 160 mètres de diamètre, alors qu’elle se trouve lors de l’impacte à 11 millions de kilomètres de la Terre.

Bien que les calculs du trajet de la sonde aient été faits par les équipes de DART et constamment surveillé, un système de guidage optique automatisé a été conçu par ces équipes et qui permettra à la sonde de corriger la trajectoire dans les dernières minutes avant l’impact. Ce système de navigation appelés SMART Nav repose sur des algorithmes qui identifieront et distingueront les deux corps de système Didymos, pour permettre de diriger la sonde vers le corps le plus petit (Dimorphos), le tout dans les minutes qui suit l’impact. La sonde a été lancée sur une fusée SpaceX Falcon 9 depuis la Vandenberg Space Force Base en Californie le 24 novembre 2021 UTC.

NASA, Bill Ingalls

La cible de DART est le système binaire d’astéroïdes Didymos, qui signifie “jumeau” en grec. Bien qu’il ne soit pas sur le point d’entrer en collision avec la Terre et ne représente donc aucune menace réelle pour la planète, Didymos est le candidat idéal pour la première expérience de défense planétaire de l’humanité.

Le système est composé de deux astéroïdes : le plus gros astéroïde est Didymos qui a un diamètre d’environ 780 mètres, alors que le plus petit astéroïde Dimorphos (qui orbite autour du premier) a un diamètre d’environ 162 mètres. Actuellement, la période orbitale de Dimorphos autour de Didymos est de 11 heures et 55 minutes et la séparation entre les centres des deux astéroïdes est de 1,18 kilomètre. Le vaisseau spatial DART impactera Dimorphos de manière presque frontale pour raccourcir de plusieurs minutes le temps nécessaire à la petite lune pour orbiter autour de Didymos.

Le système Didymos est un binaire à éclipses vu de la Terre, ce qui signifie que Dimorphos passe devant et derrière Didymos alors qu’il orbite autour de ce dernier. Par conséquent, les télescopes terrestres peuvent mesurer la variation régulière de luminosité du système pour déterminer l’orbite de Dimorphos. Après le choc, cette même technique révélera l’évolution de l’orbite de Dimorphos par comparaison avec des mesures antérieures à l’impact.

Le moment de l’impact DART en septembre 2022 à été choisi pour être le moment où la distance entre la Terre et Didymos est minimisée, et ce pour permettre des observations de hautes qualités.

La masse du vaisseau spatial DART au moment de son impact cinétique avec Dimorphos est calculée à environ 570 kilogrammes avant l’événement d’impact cinétique. La masse de Dimorphos n’a pas été directement mesurée, mais en utilisant des hypothèses sur la densité et la taille de l’astéroïde, la masse de Dimorphos est estimée à environ 5 milliards de kilogrammes ! De plus, le changement d’orbite de Dimorphos par l’impact cinétique de DART est conçu pour rapprocher légèrement son orbite de Didymos. DART est une sonde dont la structure principale est sous forme de boîte avec des dimensions d’environ 1,2 × 1,3 × 1,3 mètres, à partir de laquelle d’autres structures s’étendent pour donner des mesures d’environ 1,8 mètres de largeur, 1,9 mètres de longueur et 2,6 mètres de hauteur.

Crédits : NASA, Johns Hopkins APL 1

La sonde possède deux très grands panneaux solaires qui, lorsqu’ils sont entièrement déployés, mesurent chacun 8,5 mètres de long. DART naviguera pour s’écraser sur Dimorphos à une vitesse d’environ 6,1 kilomètres par seconde, soit 21960 Km/h.

DART transporte à la fois un propulseur hydrazine (50 kilogrammes) pour les manœuvres et le contrôle d’attitude des engins spatiaux, et un propulseur xénon (environ 60 kilogrammes) pour faire fonctionner le moteur de démonstration de la technologie de propulsion ionique. Ce dernier est un système de propulsion électrique à énergie solaire, à l’aide d’un moteur ionique à grille produisant une poussée par accélération électrostatique d’ions (atomes chargés électriquement) formés à partir du propulseur au xénon. La charge utile de DART se compose d’un seul instrument, la caméra (DRACO) de reconnaissance Didymos et d’astéroïdes pour la navigation optique.

DRACO est un imageur haute résolution dérivé de la caméra New Horizons LORRI pour prendre en charge la navigation et le ciblage, pour mesurer la taille et la forme de la cible astéroïde, et pour déterminer le site d’impact. Il s’agit d’un télescope à angle étroit avec une ouverture de 208 millimètres et un champ de vision de 0,29 degrés. Il dispose d’un détecteur (CMOS) complémentaire et d’un processeur d’image intégré sophistiqué pour déterminer l’emplacement relatif de Dimorphos et prendre en charge le système SMART Nav pour l’approche final. Les images acquises par DRACO avant l’impact cinétique ont été diffusées à l’échelon mondial en temps réel.

Dans ses derniers instants, DRACO a aidé à caractériser le site d’impact en fournissant des images scientifiques à haute résolution de la surface de Dimorphos.

Un montage vidéo des images acquises a été fait pour visualiser les 10 dernières minutes précédant l’impact.

Signalons que 15 jours avant l’impact, le nanosatellite LICIACube a été largué depuis DART.

Sa mission principale est d’acquérir des images de l’impact depuis un angle éloigné pour capturer le nuage d’éjecta résultant de la collision.

Image capturée par le LICIACube quelques minutes après la collision.

Crédits : ASI/NASA

En plus des cameras de DART et LICIACube, Plusieurs télescopes spatiaux suivaient en direct l’événement.

Le télescope spatial Hubble :

Un GIF animé combine trois images capturées par le télescope spatial Hubble de la NASA. L’animation s’étend de la 22e minutes après l’impact à 8,2 heures après la collision.

Crédits : Science : NASA, ESA, CSA, Cristina Thomas (Northern Arizona University), Ian Wong (NASA-GSFC) ; Joseph DePasquale (STScI)

À la suite de l’impact, la luminosité du système Didymos-Dimorphos a été multipliée par 3. La luminosité semble également rester assez stable, même huit heures après.

Le Télescope spatial James Webb :

Une animation d’images prises par le télescope spatial James Webb, couvre le temps qui s’étend juste avant l’impact à jusqu’à 5 heures après.

Crédits : Science : NASA, ESA, CSA, Cristina Thomas (Northern Arizona University), Ian Wong (NASA-GSFC) ; Joseph DePasquale (STScI)

Des panaches de matériau provenant d’un noyau compact apparaissent comme des traînées s’éloignant de l’endroit où l’impact a eu lieu. Un éclaircissement extrême est également visible dans l’animation.

Il faut dire que l’événement été suivi par plusieurs télescopes du monde entier qui ont contribué à la campagne d’observation internationale mondiale pour déterminer l’effet de l’impact du DART.

Crédits : NASA, Johns Hopkins APLNancy ChabotMike Halstad

Ainsi, le télescope terrestre LCOGT de 1 mètre de diamètre installé au sud Afrique a lui aussi pu immortaliser l’événement en fournissant des images/vidéos exceptionnelles.

Malheureusement, notre observatoire HAO n’était pas bien positionné géographiquement dans la mesure où au moment de l’impact, la sonde été encore sous l’horizon.

Il faut dire que, l’impact été si violent qu’une queue de matériau de Dimorphos en forme de comète s’est formée sur plus de 10000 km !

Image prise par le télescope SOAR au Chili, capturée deux jours après l’impact.

L’analyse des données obtenues au cours des semaines après l’impact par l’équipe d’enquête du Double Asteroid Redirection Test (DART) de la NASA montre que l’impact cinétique du vaisseau spatial avec son astéroïde cible, Dimorphos, a modifié avec succès l’orbite de l’astéroïde.

C’est la première fois que l’humanité change délibérément le mouvement d’un objet céleste et la première démonstration à grande échelle de la technologie de déviation des astéroïdes. Avant l’impact de DART, il a fallu 11 heures et 55 minutes à Dimorphos pour orbiter autour de Didymos. Depuis la collision intentionnelle de DART avec Dimorphos le 26 septembre, les astronomes utilisent des télescopes sur Terre pour mesurer à quel point ce temps a changé.  À présent, l’équipe d’enquête a confirmé que l’impact du vaisseau spatial a modifié l’orbite de Dimorphos autour de Didymos de 32 minutes, raccourcissant l’orbite de 11 heures et 55 minutes à 11 heures et 23 minutes avec une marge d’incertitude d’environ plus ou moins 2 minutes.

Crédit : NASA/Johns Hopkins APL/Institut astronomique de l’Académie des sciences de la République tchèque/Observatoire Lowell/JPL/Observatoire Las Cumbres/Observatoire Las Campanas/Observatoire européen austral Danois (1.54-m) télescope/Université d’Édimbourg/The Open University/Universidad Católica de la Santísima Concepción/Seoul National Observatory/Universidad de Antofagasta/Universität Hamburg/Northern Arizona University

Ce graphique offre un aperçu des données que l’équipe DART a utilisées pour déterminer l’orbite de Dimorphos après l’impact – en particulier, de petites réductions de luminosité dues aux éclipses de Didymos et Dimorphos.

Avant sa rencontre, la NASA avait défini un changement minimum de période orbitale de Dimorphos d’environ 73 secondes. Ces premières données montrent que DART a dépassé cette référence minimale de plus de 25 fois, sûrement dû à l’incertitude liée au calcul de la masse de Dimorphos. Pour cette analyse, les astronomes continueront d’étudier l’imagerie de Dimorphos à partir de l’approche finale de DART et du LICIACube pour approximer la masse et la forme de l’astéroïde.

Au fur et à mesure que de nouvelles données arrivent chaque jour, les astronomes seront en mesure de mieux évaluer si, et comment, une mission comme DART pourrait être utilisée à l’avenir pour aider à protéger la Terre d’une collision avec un astéroïde si jamais nous en découvrons un qui se dirige vers nous.

L’équipe d’enquête continue d’acquérir des données avec des observatoires au sol dans le monde entier. Ils mettent à jour la mesure de la période avec des observations fréquentes pour améliorer sa précision. Dans environ quatre ans, le projet Hera de l’Agence spatiale européenne prévoit également de mener des enquêtes détaillées sur Dimorphos et Didymos, avec un accent particulier sur le cratère laissé par la collision de DART et une mesure précise de la masse de Dimorphos.