L’impact des satellites sur l’astronomie scientifique :

Cas du BlueWalker 3

Des scientifiques, dont des astronomes du Centre de l’Union astronomique internationale pour la protection du ciel sombre contre les interférences des constellations de satellites, ont publié un article dans la majestueuse revue scientifique « Nature » évaluant l’impact détaillé du satellite BlueWalker 3 sur l’astronomie.

Lien vers l’article : https://www.nature.com/articles/s41586-023-06672-7

Sur la base de la coopération Pro/Am avec l’université Cadi Ayyad et l’observatoire de l’Oukaimeden sous les recommandations de son Directeur, le Professeur Z. Benkhaldoun, J’ai eu le privilège de participer à cette compagne d’observation et ainsi consigner l’article publié dans NATURE.

En se basant sur les premières observations peu après son lancement, ces nouveaux résultats complètent la compréhension initiale de ce satellite et l’article contient des détails sur la façon dont la luminosité du satellite et sa visibilité changent au fil du temps.

Alors que plusieurs entreprises ont l’intention de déployer davantage de satellites commerciaux dans les années à venir, ce document souligne la nécessité de lancer des analyses d’impact sur les observations scientifiques. Les observateurs ont signalé que BlueWalker 3 présentait périodiquement une luminosité qui dépassait plusieurs dizaines de fois la limite actuelle recommandée par l’Union astronomique internationale. Cette dernière établit une limite de luminosité maximale que les satellites en orbite terrestre basse (LEO) sont censés respecter afin de réduire les interférences artificielles.

BlueWalker 3 (BW3) a été lancé en orbite terrestre basse le 10 septembre 2022 par l’opérateur américain AST SpaceMobile en tant que prototype d’une constellation prévue de plus d’une centaine de satellites similaires destinés à être utilisés dans les communications mobiles. Il est doté d’une antenne réseau à commande de phase de 64,3 m².

Vue d’artiste du BW3

La luminosité maximale observée du satellite a atteint une magnitude apparente de 0,4, soit aussi brillant que l’étoile Procyon !   

Les observations effectuées peu après le lancement ont montré que le satellite figurait parmi les objets les plus brillants du ciel. Cependant, pour mieux comprendre son impact sur l’astronomie, le CPS, coorganisé par le NOIRLab a lancé une campagne d’observation internationale. Dans le cadre de cette initiative, des observations professionnelles et amateurs ont été apportées du monde entier à partir de sites au Chili, aux États-Unis, au Mexique, à Aotearoa en Nouvelle-Zélande, aux Pays-Bas et au Maroc.

Carte indiquant l’emplacement des observatoires impliqués.

Les données récemment publiées montrent une augmentation brutale de la luminosité de BlueWalker 3 sur une période de 130 jours. L’article révèle également une relation entre la luminosité variable et d’autres facteurs après le déploiement, comme la hauteur du satellite au-dessus de l’horizon et l’angle entre l’observateur, le satellite et le Soleil.  

Un sous-ensemble des observations a également été utilisé pour calculer la trajectoire du satellite au fil du temps.

Outre l’effet sur les observations visibles, BW3 pourrait également interférer avec la radioastronomie, car il transmet à des fréquences radio proches de celles que les radiotélescopes observent. En effet, bien que certains télescopes soient situés dans des zones radio-silencieuses désignées, les restrictions en place pour préserver ces zones ne s’appliquent actuellement qu’aux émetteurs terrestres, ils ne sont donc pas nécessairement protégés de la transmission par satellite !

Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires pour développer des stratégies visant à protéger les télescopes existants et futurs des nombreux satellites dont le lancement est prévu au cours de la prochaine décennie.

S’il est vrai que ces satellites peuvent jouer un rôle dans l’amélioration des communications à l’échelle mondiale, il est impératif que leurs perturbations dans les observations scientifiques soient minimisées. Ceci pourrait de préférence être réalisé par une coopération internationale continue sur les efforts d’atténuation, et par une exigence de pré-lancer des analyses d’impact dans le cadre des futurs processus d’autorisation de lancement, surtout qu’il s’agit d’un problème mondial où les satellites approuvés par n’importe quel pays sont visibles dans le ciel nocturne du monde entier !

La communauté astronomique comprend qu’il faut améliorer la connectivité et l’accès à Internet, particulièrement dans les collectivités rurales et mal desservies. Toutefois, ces avancées doivent être évaluées par rapport à l’impact négatif que les satellites lumineux peuvent avoir sur le ciel nocturne.